Thibaut Brouillet : enjeux secrets du jeu

Portraits

Catherine Portaluppi

Thibaut Brouillet pose entouré de jeux de société

Le hasard fait parfois bien les choses : Thibaut Brouillet, 42 ans, cofondateur de l’association Accro’jeux, a grandi rue du Jeu, à Clapiers près de Montpellier. « On était une trentaine et on jouait beaucoup, surtout aux jeux de société et de plein air. Avec plusieurs d’entre eux, nous avons créé l’association. » Depuis 2013, il habite à Nanterre et enseigne à l’université Paris-Nanterre.

Dernière mise à jour : 30 janvier 2024

L’homme a fait sienne la phrase de Platon : « On peut en savoir plus sur quelqu’un en une heure de jeu qu’en une année de conversation. » Pourquoi ? « Le jeu est une activité autotélique : elle se suffit à elle-même. On n’y gagne rien, on n’y perd rien, sauf dans les jeux d’argent – qui ne sont pas de vrais jeux, explique Thibaut. Quand on joue, on se révèle car on peut endosser des rôles sociaux que l’on ne peut pas avoir dans la vie réelle ou que l’on n’ose pas porter : trahir, rompre des alliances, s’associer avec ses ennemis, mentir. On se sent protégé par les règles du jeu. » 

Pour le professeur, le jeu permet aussi aux enfants et aux jeunes de développer « des processus cognitifs, comme ceux de flexibilité mentale, primordiaux pour l’éveil et la créativité. Ces processus seront ensuite réutilisés lors des apprentissages scolaires. » Le jeu permet enfin d’expérimenter d’autres relations sociales : « Dans le sport, on est soit dans l’opposition soit dans le chacun pour soi… Je préfère les jeux sportifs traditionnels qui offrent des occasions de se rencontrer et de s’amuser, comme le jeu du gouret. C’est un jeu du XIIIe siècle avec des bâtons, une balle et des trous, où l’on crée et casse des alliances en permanence. Plus besoin de force physique, de performance, juste de la fourberie ! » 

« Le jeu est une fenêtre sur les cultures, un levier puissant pour entrer en relation, créer du lien, du collectif. »

Thibaut Brouillet est professeur des universités en Staps, à la fac de Nanterre, spécialité psychologie cognitive. Il est directeur du laboratoire Licaé (laboratoire des interactions cognition, action, émotion) et responsable de la licence professionnelle d’Intervention sociale : développement social en médiation par l’activité physique. Il préside l’association Accro’jeux.

Avec le collectif Accro’jeux, Thibaut a lancé Ludiversité, un projet complet autour du quartier Université afin de « créer, grâce au jeu, des espaces de rencontres intergénérationnels, interculturels et inclusifs, avec des étudiants, des habitants, des commerçants. » 

L’association organise des soirées jeux au centre social et culturel La Traverse, à La Bassecour, dans un bar du quartier, à l’université pour les étudiants, mais aussi pour les seniors qui suivent l’université permanente. Pour ceux que les sports d’entretien ennuient, Thibaut prône le gouret : « On se marre et on bouge ! Les seniors m’ont dit : “On s’est régalés, on a retrouvé nos émotions de l’adolescence !” » 

À la prochaine fête du parc André-Malraux, l’association proposera un jeu de crosses d’origine autochtone américaine et lors des Terrasses d’été d’autres jeux en bois ou traditionnels, comme le kabaddi ou le jeu des sept pierres, connu au Maghreb et en Inde. « Le jeu est une fenêtre sur les cultures, de même que la cuisine ou la musique, accompagnée d’une empreinte émotionnelle très forte souvent liée à l’enfance. La pratique du jeu est une façon de se prémunir de la peur de ce qui est étranger. C’est aussi un levier puissant pour entrer en relation. Le jeu crée du lien, du collectif, au-delà du genre, des origines et des classes d’âge. »

Accro’jeux c’est :

  • 70 adhérents
  • 200 jeux de société